Le syndrome du coach brillant

Tu connais peut-être le syndrome de l’objet brillant, qui te pousse à changer de centre d’intérêt trop rapidement, à ne pas aller au fond des choses, à te laisser séduire par la nouveauté porteuse d’espoir. Eh bien, le syndrome du coach brillant c’est un peu pareil… avec un coach.

Mais d’où ça vient ?

Avant tout, inutile de lancer Google, ce concept vient tout droit de mon cerveau malade. C’est après avoir ouvert un énième message d’une coach en développement d’entreprise (oui, je lis ce que publient mes concurrentes, c’est ce qu’on appelle la veille. Ça m’aide à me tenir au courant et ça m’amuse parfois) que l’idée du « syndrome du coach brillant » m’est apparue comme une évidence.

Et d’abord, qu’est-ce que j’appelle le syndrome du coach brillant ?

C’est une tendance qui se développe depuis plusieurs années et qui est essentiellement liée à 3 idées qui ont le vent en poupe et à un biais cognitif : 

  1. Tu trouveras toujours quelqu’un de moins avancé que toi dans un domaine
  2. Le complexe (ou syndrome) de l’imposteur
  3. La sacro-sainte bienveillance
  4. Le biais de possession

Mais avant de t’expliquer en quoi ces 4 idées l’alimentent, laisse-moi t’expliquer ce qu’est, selon moi, le syndrome du coach brillant.

Dans la pratique

Le « coach brillant » attire, c’est le principe. Il est jeune, dynamique, beau, plein d’idées et tellement cool ! C’est LA personne à laquelle tu voudrais ressembler (enfin, c’est ce qu’il te vend). Tout lui réussit, ou presque. Alors, me diras-tu, où est le problème ? Le problème, c’est que tout ça c’est du vent, ou plutôt de la poudre aux yeux et, si tu y regardes de plus près, tu te rends vite compte qu’il manque l’essentiel, que derrière cette vitrine engageante, le stock est assez pauvre. Mais, heureusement pour le coach brillant, les biais cognitifs ont la dent dure.

Qui est-il/elle ?

Il s’agit de cette personne que nous connaissons tou·te·s qui lance son business en t’expliquant comment développer le tien. J’ai bien écrit « lance ». Je te parle de cette jeune fille (ou de ce jeune homme, hein, c’est pareil) qui n’a aucune expérience entrepreneuriale mais qui va te prendre par la main pour t’apprendre ton métier d’entrepreneur et te mener vers la réussite. Elle est allée à l’école (ou pas), dans le secteur commercial/marketing (ou pas). Qu’elle vienne d’en sortir, de quitter le salariat, cherche une activité à domicile pour s’occuper de son premier enfant ou travaille depuis sa chambre chez ses parents, peu importe. Ce qui compte, c’est qu’elle n’a aucune expérience entrepreneuriale.

Le top, c’est quand elle l’annonce de but en blanc ! Elle démarre, elle se lance… et elle partage ses premières impressions avec toi (et le monde entier), mais vas-y, confie-lui donc ton entreprise.

En quoi est-ce dangereux ?

C’est vrai, après tout, tout le monde doit commencer un jour, non ?

Oui, évidemment ! Là où le bât blesse, c’est quand on crée une entreprise de conseil alors que l’on n’a ni expérience ni recul. L’entrepreneuriat est une expérience de vie qui ne s’acquiert qu’en la pratiquant, en se trouvant confronté à certaines situations relatives à l’organisation du travail, la gestion des clients, les impayés, les erreurs (les tiennes et celles des autres), les investissements, mais aussi la relation de couple et avec l’entourage,… Pourquoi crois-tu que la moitié des entrepreneurs cessent leurs activités dans les 3 premières années et 70% avant 5 ans ? C’est durant cette période que l’entrepreneur est confronté aux difficultés. Une fois le cap de 5 ans passés, on peut raisonnablement estimer que l’entrepreneur a surmonté le pire.

Si tu devais te faire opérer du cœur, préfèrerais-tu être confiée aux bons soins d’un chirurgien cardiaque expérimenté, à même de gérer toutes les situations délicates, ou aux mains tremblotantes d’un interne qui s’est exercé sur du cochon (ou à la morgue, c’est tellement mieux) ? Le syndrome du coach brillant nous fait oublier que notre entreprise c’est notre cœur et que le chirurgien est un interne.

Le syndrome du coach brillant, ou comment ils nous séduisent malgré leur manque d’expérience

Les 4 piliers du syndrome du coach brillant

Si les coaches brillants se développent avec la vigueur d’une bonne vieille mycose dans les vestiaires de la piscine municipale, c’est qu’ils sont bien aidés par des idées très largement diffusées qu’ils utilisent à leur avantage (parfois sans même le savoir) pour affirmer leur légitimité (à eux et au monde) et pour minimiser les dégâts perçus. En voici quelques exemples.

Tu trouveras toujours quelqu’un de moins expérimenté !

Eh oui, c’est une réflexion que j’ai souvent lue et entendue dans des séminaires, webinaires et articles destinés aux coaches et formateurs en devenir. En gros, on t’explique que, même si tu débutes, même si tu n’as pas encore d’expérience, tu peux te lancer et apporter quelque chose aux gens qui sont juste un pas derrière toi.

Chez moi, il y a au contraire un adage qui dit « On est toujours le con de quelqu’un d’autre » et un autre qui dit que « Le dernier des crétins peut t’apprendre quelque chose ». Bref, tout le monde a quelque chose à apporter aux autres, mais il n’en fait pas forcément son métier. C’est une autre façon de se positionner, de voir les choses. Ayant été prof, je sais qu’on n’enseigne bien qu’une matière que l’on maîtrise.

La multitude de personnes victimes du syndrome de l’imposteur !

Attention, ne me fais pas écrire ce que je n’ai pas écrit : le syndrome de l’imposteur existe et c’est une plaie !

Par contre, le Canada Dry avait beau avoir la couleur de l’alcool, l’odeur de l’alcool, le goût de l’alcool (mouais), ce n’était pas de l’alcool. De même, le syndrome de l’imposteur est parfois juste un éclair de lucidité.

La bienveillance à toutes les sauces

Arrivée à ce point de cet article, tu n’as probablement plus aucun doute sur ma position envers la bienveillance mielleuse qui envahit le net. Je suis bienveillante, mais pas question que je cesse de nommer un chat un chat parce que « minet » est plus à la mode et jugé plus convenable. Un chat c’est un chat et un coach brillant c’est une plaie, un point c’est tout ! Or, il règne une sorte d’omerta sur le milieu du coaching : les critiques se font discrètement, par la bande, et on laisse penser qu’être beau, gentil, sympa, dynamique c’est ce qui fait de toi un coach exceptionnel.

Le coach brillant s’invente le plus souvent une vie que personne ne remet en question, parce que ça ne se fait pas, même si certains « détails » laissent transparaître une réalité bien moins glorieuse.

Une fois de plus, entendons-nous, PERSONNE ne mène une vie de rêve, même si notre métier consiste (pour certains) à te faire croire que, toi, en suivant notre enseignement, nos conseils, tu vas y parvenir. Pour ma part, je suis (comme souvent) bien plus pragmatique : je ne vis pas la vie de mes rêves, loin s’en faut, et c’est heureux parce que c’est pour améliorer ma vie et celle de ma famille que je me lève tous les matins. Je ne vends pas du rêve à mes clients. Je les aide juste à progresser, toujours un peu plus près de leur objectif, de leurs rêves, tout en contournant les obstacles qui (en langage coach) nuisent à leur épanouissement (et dans mon vocabulaire : leur pourrissent la vie)… et c’est déjà pas mal.

Le biais de possession

De nombreux biais cognitifs et psychologiques sont à l’œuvre, mais le biais de possession est extrêmement puissant dans ce cas précis. Le biais de possession, c’est ce truc qui t’aide à justifier tes achats pas toujours judicieux en leur octroyant plus de valeur qu’ils n’en ont réellement. Qu’il s’agisse de cette magnifique petite robe qui va rester dans ton placard parce qu’elle te boudine ou de cette formation (ou coaching) tellement dynamique et positive qui ne sera jamais rentabilisée par des actions concrètes et efficaces pour ton entreprise, tu vas mettre l’accent sur le positif pour justifier le prix indécent que tu as déboursé. Rassure-toi, on est tous pareils. Pire, si ce biais (ou d’autres) est très puissant chez toi, tu pourrais même acheter les prochaines « qui seront encore meilleures », « qui vont te permettre d’atteindre un nouveau palier » ou simplement pour rentabiliser la perte de la première qui n’était pas aussi bien destinée à tes besoins.

Le top du top, le pod

Et tu sais le mieux ? C’est que, souvent, et parce que la preuve sociale est aussi un levier important, les coaches brillants se rassemblent en pods (groupes de likeurs/commentateurs) qui aiment, partagent et commentent, voire conseillent les publications, articles, promos, formations les uns des autres… en deux mots s’auto congratulent en boucle fermée.

Là encore, j’ai l’air de cracher dans la soupe. Tout le monde est content quand des contacts partagent, aiment, commentent, font ta pub. Moi aussi. D’ailleurs, j’ai un système d’affiliation prévu pour rétribuer les personnes qui font la promotion de mes formations (et crois-moi, c’est une pratique courante !), mais pas n’importe comment, pas à tout va, pas sans même avoir pris connaissance de mon contenu !

Au final, comment se prémunir du syndrome du coach brillant ?

Par définition, le coach brillant a une durée de vie limitée. Soit il rejoint les 70% d’entrepreneurs qui cessent leur activité dans les 5 ans, soit il y survit et sort alors de sa catégories pour devenir un véritable coach expérimenté (et il sera fier de jouer dans la « cour des grands »). Attention, je te rappelle que l’on parle d’un coach d’entreprise et donc d’une expérience d’entrepreneur et non pas forcément de coach. Il y a de nombreux entrepreneurs qui mettent leur expérience au service des autres et les aident à franchir à leur tour le cap difficile des 2 ans (ou 3, ou 5), à mieux s’organiser, à gérer la relation client, à dompter le volet administratif, à adopter une hygiène de vie et de travail plus saine, à rester zen en toutes circonstances, à faire connaître leur marque, à trouver de nouveaux clients, à développer des partenariats intéressants, à changer de statut,… Dans certains cas, une véritable expérience entrepreneuriale est incontournable, dans d’autres une expérience dans la spécialisation (même en tant que salarié) est amplement suffisante, mais dans tous les cas, une expérience professionnelle minimale est requise.

Le profil du coach va déjà te donner des indices, tout comme sa page « À propos ». Quel est son parcours ? Quel âge a-t-il ? Quelles sont ses compétences réelles ? Quels résultats s’engage-t-il à t’apporter ?

Ses publications sur les réseaux sociaux sont une mine d’or. Quelles sont les personnes qui le suivent (a-t-il acheté des followers ? Eh oui, ça se fait !), qui commente et partage ses publications (si ce sont toujours les mêmes personnes, et surtout si les commentaires des mêmes personnes arrivent dans l’heure, va jeter un œil à leur profil. Il y a fort à parier que tu remarques des échanges de likes et de commentaires… c’est donc un pod organisé), ses publications sont-elles originales, qui sont les personnes qui font la promotion de son activité (de véritables clients ou des gens qui y ont un intérêt ?), est-il cohérent au fil du temps, …

Enfin, laisse-toi guider par le bon sens et par ton ressenti plutôt que par les jolis discours pleins de formules toutes faites et de bons sentiments à 2 balles.

Mais après tout, as-tu envie de t’en prémunir ou cela t’est-il égal ? C’est vrai, au final, je n’ai fait que te donner mon avis sans te demander le tien.

À ce propos, ça me fait penser que je suis sur le point d’ouvrir un forum destiné aux femmes entrepreneures, où nous pourrons discuter entre nous, échanger nos avis et parler de nos métiers respectifs. Si ça te tente d’y participer et de rejoindre une communauté de femmes inspirantes et motivées, ça se passe ici. En attendant l’ouverture du forum, si tu partageais ton avis sur les coaches brillants, en commentaire ?

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