Le zèbre qui s’ignore

Depuis quelques jours, je parle souvent de zèbres et de HP. Pourquoi est-ce si important et d’ailleurs qui cela concerne-t-il ?

Un zèbre ou personne à haut potentiel (HP ou HPI pour haut potentiel intellectuel) c’est simplement ce que l’on appelle communément un surdoué mais, attention, cela ne signifie pas vraiment ce que l’on imagine (les préjugés ont la dent dure).

Ce qu’il est

Le zèbre est doté d’un QI supérieur ou égal à 130, voilà un critère objectif qui permet de déterminer qu’une personne est, ou non, HP.

Il est rare… mais pas tant que ça. Les HP représentent 2,3% de la population, soit 1 sur 43. Autant dire que nous en avons tous dans notre entourage (souvent sans le savoir). Comme le QI est réparti selon une courbe de Gauss, plus celui-ci est élevé, plus il est rare et la progression devient vite vertigineuse.

Le HP est doté d’un mode de fonctionnement différent. Il saute des étapes, parce que les « évidences » ne nécessitent pas d’être décortiquées (il lui arrive même souvent de ne pas trouver d’autre explication que « C’est évident ! » ou « Ça saute aux yeux ! »).

Il est généralement sujet à la mélancolie et aux changements d’humeur. Fort sensible et attaché à des considérations qui dépassent de loin sa petite personne, il peut être très affecté par des événements qui peuvent, à d’autres, sembler insignifiants.

Dès son plus jeune âge, le zèbre a des préoccupations abstraites, métaphysiques, une réaction viscérale face à l’injustice (on s’entend, personne n’aime l’injustice mais, lui, ça lui fait presque physiquement mal !). Une fois adulte, il peine souvent à trouver sa place dans la société en raison du reflet que lui renvoient ses pairs (et parfois même ses proches). Spoiler alert : non, cette image n’est pas franchement positive.

Ce qu’il n’est pas

Le zèbre n’est pas prompt à se dévoiler, car il ne vit que très rarement sa condition de HP comme un don, mais plutôt comme une tare, voire un handicap. Le plus souvent, au lieu de se sentir doué (ou pire, surdoué), il a plutôt de lui une opinion assez médiocre… et c’est logique. Conscient qu’il est de tout ce qu’il ignore, ce qu’il sait lui semble ridicule (une cible parfaite pour l’effet Dunning-Kruger et le syndrome de l’imposteur). Du coup, il passe une bonne partie de son temps à mesurer son insignifiance et à se remettre en question.

Il n’est pas en compétition. Quand il partage une information (quand il étale sa science, diront certains), il le fait en pensant naïvement que les autres ont, comme lui, envie d’apprendre des choses et lui seront reconnaissants, comme il le serait, de partager son savoir. (Oui, je sais, le HP est naïf !)

Il n’est pas l’intello premier de classe qui sait tout sur tout. Il sait des tas de choses, mais ce n’est pas une encyclopédie sur pieds (pas plus que le traducteur n’est un dictionnaire bilingue [NdT] ?). Pire, le plus souvent, comme le zèbre n’a que rarement besoin d’étudier pour comprendre, que son attention est très difficile à canaliser et que son mode de réflexion saute des étapes, sa scolarité n’est pas forcément exemplaire… loin de là.

Il n’est pas coincé… mais alors pas du tout. Il a un sens de l’humour décalé, souvent acide et teinté de noir. Mais il ne se sent pas toujours bien en société et préférera de petits groupes bien choisis à une foule démesurée et bruyante (sauf s’il adopte cette solution pour se vider l’esprit).

Le zèbre n’est JAMAIS au repos. Son cerveau travaille tout le temps (souvent à plein régime et sur plusieurs tâches), ce qui est particulièrement épuisant et peut le pousser à adopter des comportements peu communs pour mettre de l’ordre dans ses idées, comme exprimer sa pensée à haute voix pour faire taire les « voix » (ou idées) parasites et s’efforcer à réduire la vitesse de sa réflexion.

Le zèbre (et là, je sais que je vais m’attirer des foudres) n’est pas forcément victime de sa grande empathie. Plus il est intelligent, plus il parvient à la contrôler. Attention, je ne dis pas que ce sont des psychopathes, loin de là. C’est tout le contraire, même. L’empathie cognitive du psychopathe est OFF, mais les plus doués parviennent à l’enclencher ponctuellement. Inversement, l’empathie cognitive et le souci de l’autre sont par défaut enclenchés (ON) chez le HP, mais celui-ci peut, en les intellectualisant, agir sur leur amplitude et parfois même les déconnecter. C’est pourquoi certains HP reconnaissent avoir (eu) à faire un choix entre devenir un « génie du crime » et un « type bien ».

Quels sont les principaux problèmes du zèbre ?

Quels problèmes peut-on avoir quand on est super intelligent ? Non mais, sérieusement, on ne va pas le plaindre aussi ? Si, en plus ils sont beaux et friqués… ?

Eh bien, même si (ou justement, parce que) le zèbre a un QI supérieur à la moyenne, il ne comprend pas tout, et surement pas ce rejet qu’il déclenche chez la majorité des gens, par sa seule présence. C’est fou comme les autres ont besoin de se sentir supérieurs. Dès qu’on se rend compte que quelqu’un « est plus … que moi », ça déclenche une série de mécanismes de défense/attaque extrêmement destructeurs, surtout envers une personne aussi sensible et attentive aux détails que le zèbre.

Autre problème, interne celui-ci, la lassitude. Une fois qu’une tâche est bouclée mentalement, pourquoi finaliser sa réalisation ? Quand on a fait le tour d’un métier en 6 mois, pourquoi ne pas en changer ? Comment choisir entre ces 25 idées/passions/étapes qui se succèdent ? Et surtout, comment se tenir à une seule ?

La faible estime de soi (encore une fois, ça paraît stupide de prime abord) et le doute constant constituent probablement les plus gros handicaps du zèbre. On l’a vu plus haut, l’effet Dunning-Kruger n’y est pas étranger, d’autant quand on réalise que le zèbre crée des liens (parfois étonnants) entre ses différentes connaissances, ce qui amplifie considérablement les limites de ses connaissances.

Les troubles de l’attention sont fréquents chez les individus HP. C’est logique, leur cerveau est sans cesse stimulé par tout et n’importe quoi. 2 secondes dans la tête d’un zèbre qui cherche la solution à un problème, ça donne à peu près ça : 

Bon sang, pourquoi je n’y arrive pas ? Je me suis documenté, j’ai bien compris… pas de souci avec la théorie, mais alors… ça vient forcément de moi ! Je n’ai pas TOUT compris. Ce n’est pas parfait… je ne vais pas continuer alors que ce n’est pas parfait. Tiens, d’ailleurs, ce cadre n’est pas droit… Aaah, c’est mieux comme ça ! Mais… ça, ce serait pas mal pour [autre problème]. Je suis GÉNIAL, c’est troop top cette idée. Pourquoi cette couture me pique comme ça ? C’est n’importe quoi cette idée, ça ne marchera jamais, ça n’intéressera personne, je suis trop nul. Rhooo, cette mouche. Pourquoi cette couture me pique comme ça ? Cette luminosité est magnifique… oh, les brebis sont de sortie bêêêêê À quoi je pensais, déjà ? Je faisais quoi ? – Distraction 4 – Concentration 0 – Surtout, que le téléphone ne sonne pas ! J’ai à peine dressé les grandes lignes d’une idée que je passe déjà à autre chose. C’est vrai que je me lasse vite. En fait, ils ont raison, je suis bizarre…

Pourquoi informer le zèbre qui s’ignore ?

On l’a vu, être un zèbre ou un HP, c’est bien plus complexe et moins valorisant que l’on pourrait l’imaginer. C’est pourquoi je trouve important d’en parler et de présente ce type de personnalité au plus de personnes possible. N’oublie pas que 1 personne sur 43 est concernée… et la proportion est plus élevée parmi les entrepreneurs. Cela te concerne donc directement ou indirectement (que ce soit par le biais de ta famille, de tes amis, de tes clients ou de tes collaborateurs).

Pour de plus amples informations, je t’invite à visionner le film Le complexe de l’albatros (les enfants précoces), la conférence de Monique de Kermadec sur l’adulte HP et/ou le Ça Part en Live! dédié aux zèbres entrepreneurs.

Mettre des mots sur les maux

Beaucoup de HP sont confrontés au rejet et à l’incompréhension. Ils ne comprennent pas la réaction des autres à leur encontre. Beaucoup se remettent en question. À force d’entendre tout le monde répéter que l’on est bizarre, pas normal, on finit par le croire.

Lorsqu’il découvre sa particularité, le zèbre passe souvent toute sa vie en revue. Ce nouvel angle lui permet de comprendre certaines situations qu’il a vécues… et cela lui permet de se rendre compte qu’il n’est pas si bizarre, cette sorte d’alien, mais que d’autres personnes lui ressemblent.

Erreurs de diagnostic

Tous les psychologues et psychiatres ne sont pas encore correctement formés aux spécificités des personnes à haut potentiel. La mélancolie ainsi que les changements d’humeur (qui peuvent être aussi rapides que violents et profonds chez le HP) peuvent conduire à des diagnostics erronés de troubles psychiatriques tels que des troubles bipolaires, une dépression, la cyclothymie… entre autres.

Il est donc important, en cas de suspicion de troubles psy, d’informer le milieu médical du haut potentiel du patient (et d’être attentif à la réceptivité du personnel soignant à cette annonce).

Des solutions adaptées à des problèmes spécifiques

Tout le monde peut être distrait, désorganisé, avoir du mal à aller au fond des choses, être déstabilisé par une émotion vive, douter de soi,…

Certes, mais ces inconvénients peuvent prendre des proportions colossales chez certains HP, au point de les pétrifier, de les empêcher d’avancer, de leur faire perdre des journées entières à tourner en rond,…

Il est donc essentiels qu’ils identifient clairement les problèmes qu’ils rencontrent et qu’ils puissent mettre en place des stratégies d’évitement ou de résolution de ces problèmes.

Voilà pourquoi je trouve important que le zèbre soit conscient de qui il est, avec ses forces et ses faiblesses et pourquoi j’ai créé un programme d’accompagnement pour les zèbres qui se lancent ou vivent l’aventure entrepreneuriale. Attention, pour des raisons de logistique, ce programme n’est disponible que jusqu’au 31 juillet.

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